La Maison de la recherche Annie Ernaux, sur le site des Chênes de CY Cergy Paris Université, accueille du 20 novembre 2025 au 22 janvier 2026 l’exposition « Gérard Philipe, icône de la jeunesse » conçue par l’association Maison d’Anne et Gérard Philipe en partenariat avec l’institut International Charles Perrault.
L’exposition se saisit du thème de l’enfance pour présenter les facettes du parcours et de l’engagement du comédien. Elle se penche tout particulièrement sur la trace qu’il a laissée pour des générations d’enfants à travers ses enregistrements sur disques.
L’exposition se tient dans le hall de la Maison de la recherche. L’entrée est libre et accessible aux plus jeunes. Des encarts sont réservés sur chaque panneau pour inviter les enfants à circuler dans les textes, les images et les extraits sonores.
L’écrivain et traducteur Stéphane Bouquet vient de nous quitter à 57 ans. Il avait récemment traduit et adapté en l’actualisant la pièce totémique du Festival d’Avignon, Le Prince de Hombourg, de Kleist. L’entreprise relevait du défi, pour un texte difficile, marqué par l’histoire, celle de Kleist d’abord qui se suicide à 34 ans et dont l’oeuvre a souvent été commentée comme un point de rupture dans l’esthétique classique et l’histoire des idées, celle du Festival d’Avignon d’autre part, qui choisit comme pièce d’après guerre le texte d’un auteur germanique, rappelant les combats dans la Prusse d’autrefois, et qui parle d’héroïsme déconfit en tissant un flou existentiel entre le rêve et la réalité. Il fallait tout l’art du poète et scénariste Stéphanie Bouquet pour réinvestir ce grand texte et le faire résonner dans les salles d’aujourd’hui. Le metteur en scène Robert Cantarella parle de leur travail en confiant avoir « travaill[é] comme des jardiniers, comme ceux qui font pousser dans la première scène de la pièce du laurier dans le sable, et [avoir] cré[é] des prolongements, des mouvements à partir d’un texte écrit en 1811 et joué en 2024. »
Il n’est pas étrange que Stéphane Bouquet, ce poète qui pouvait pousser les ramifications du romantisme dans les vicissitudes de la vie moderne avec de constants étonnements et la recherche éperdue des consolations, ait choisi cette pièce stupéfiante. Son incroyable culture se plaisait au croisement des références et sa quête exigeante du sens de l’existence a toujours cherché à se frotter à ces parts de mystère que gardent les grands textes. Son oeuvre arpente, en prose comme en vers et en se jouant des frontières génériques, les petits faits et gestes de nos vies contemporaines en les reliant à la geste sublime des auteurs magnifiés, tour à tour Walt Whitman, John Keats, Ovide ou Virginia Woolf.
Dans son Prince de Hombourg le texte de Kleist est ponctué de ses propres textes qui font résonner d’une manière profondément actuelle les fêlures, les bizarreries psychologiques et les inconstances du personnage, pris dans les paradoxes d’un ordre social et politique qui les favorise.
Le rôle du prince, à jamais marqué par l’interprétation de Gérard Philipe, oblige à la méditation sur l’ordre moral et politique et le jeu dangereux des contestations qui brouillent courage et lâcheté. La bravade individuelle s’y dote d’une dimension onirique. Frédéric de Hombourg est un jeune homme d’une sensibilité maladive, atteint de crises de somnambulisme. Il remporte une victoire inopinée en enfreignant les ordres du Grand Électeur. La couronne qu’on lui a décernée par dérision dans son sommeil glisse de son front et ne sera pas reçue à l’issue de sa victoire militaire. C’est l’opprobre de la cour et la peine de mort que sa désobéissance et les demi-lâchetés de son caractère lui font encourir, jusqu’à la résolution finale où le bandeau lui tombe des yeux.
Gérard Philipe et Jeanne Moreau dans la mise en scène de Jean Vilar – création au Festival d’Avignon en 1951
Nicolas Maury dans la mise en scène de Robert Cantarella – création Théâtre Vidy de Lausanne en 2023
Texte rédigé par Stéphane Bouquet, extrait du dossier de mise en scène
Une des façons de lire la pièce de Kleist est d’y voir l’histoire d’un homme qui ne parvient pas, ou n’a pas le désir, d’être à la hauteur de son rôle. Il est le héros éponyme de la pièce mais étrangement il n’en est jamais le héros au sens classique du terme. D’ailleurs, à la fin, ce n’est pas sur la clôture de son destin que se conclut la pièce. Il est pour ainsi dire laissé de côté pour que continue la guerre et l’Histoire.
Contrairement aux héros classiques, donc, il n’est pas l’origine de ses décisions, il n’est pas soumis à des dilemmes cornéliens ni à des décisions tragiques, mais il semble comme manipulé par le monde extérieur qui se joue de lui, et tire les fils de sa vie.
Si tous les autres personnages masculins de la pièce ont des arrière-pensées – Hohenzollern et l’Electeur en tête –, lui n’en a aucune. Il fait ce qu’il fait au moment où il le fait, sans toujours bien savoir ce qu’il fait. Sa façon d’être en quête d’une figure maternelle, en la personne de l’électrice est un autre signe qu’il n’a pas atteint l’âge d’être ce héros viril et indépendant, mais qu’il demeure ce perpétuel orphelin.
De même, le fait qu’il est prêt à sacrifier sans complexe son amour pour Natalie, et Natalie par la même occasion, pour garder la vie sauve ébrèche son statut d’amoureux sublime.
Le prince de Hombourg n’est pas non plus, il faut le dire, un anti-héros, puisqu’aussi bien il se lance dans la bataille de son propre fait, sans peur quoique non sans reproche, et l’emporte vaillamment. Il est donc parfois lâche, mais pas toujours.
Ce qu’est ce Prince, c’est plutôt une sorte de buée, un flou, une indécision, une façon de ne pas coïncider avec lui-même et avec son nom de Prince. Un dérangement de sa fonction et de son être, et par là même un dé-genrement du théâtre héroïque. Il n’est pas si loin de ce point de vue-là d’un autre fameux Prince, celui-là du Danemark.
C’est dans cet écart que nous proposons de glisser des textes inédits, comme une façon d’opérer un va-et-vient entre la langue de Kleist et une écriture contemporaine.
Comme une façon aussi d’introduire un peu plus de jeu encore dans la pièce de Kleist, non pas qu’elle ne soit pas parfaite en elle-même, mais précisément pour pousser à son terme son fonctionnement arythmique et trouble dont Kleist joue volontiers, faisant se succéder des scènes si différentes dans leur principe et leur temporalité.
Il ne s’agira pas de produire des textes explicatifs ou justificatifs – mais au contraire d’inventer à ces personnages des intériorités de la fuite, de l’errance, du départ, qui leur donnera, on l’espère, un statut étrange, et pas infidèle au désir profond de Kleist, lequel confie dans une lettre à Ulrike von Kleist, sa sœur, le 23 mars 1801, qu’il faut substituer à l’espoir de la connaissance un esprit de voyage perpétuel – qu’il ne faut pas chercher à savoir, car le savoir porte à la folie et éventuellement à la mort, mais aller voir ailleurs. Qu’il faut dériver.
Quand les admirateurs et admiratrices de Gérard Philipe lui écrivaient.
Atelier de lecture à destination d’amateurs et amatrices – Proposé et animé par Julia Gros de Gasquet, comédienne et universitaire.
Dans le fonds des archives privées de Gérard Philipe, un dossier conserve 75 courriers d’admirateurs et admiratrices, reçus par Gérard Philipe tout au long de sa carrière, plus précisément entre 1942 et 1959. Les lettres construisent en filigrane des figures de spectateurs et de spectatrices profondément touchants et émouvants.
Elles viennent parfois de très loin, et notamment de ces pays qui sont alors des colonies ou protectorats français telle l’Indochine ou la Tunisie, qui sont en train, dans cette décennie des années 1950, d’acquérir leur indépendance. L’admiration pour Gérard Philipe trouve ici une lecture plus politique. Ces lettres impressionnent par l’expression d’un besoin d’idéal, besoin d’un dépassement des frontières de l’ordinaire et de l’extériorisation des émotions profondes.
Nous nous proposons de faire entendre ces voix au cours d’un atelier sur deux journées non consécutives, qui s’ouvrira à une rencontre publique de 20 mn autour de la mise en lecture de ces lettres. Proposé à un public d’amateurs et amatrices de tous âges, cet atelier n’a aucun pré-requis, seulement l’envie de lire à haute voix.
L’atelier commencera par un échauffement physique et vocal. Les lettres qui auront été envoyées aux participants et participantes à l’avance, seront ensuite abordées dans un travail d’élucidation des émotions qu’elles révèlent, à travers leur registre de langue, leurs références, leur lien avec la grande histoire. Puis, le travail de lecture à haute voix sera abordé par chaque participant, qui sera guidé et accompagné dans l’exploration d’une lettre qu’il aura choisie.
L’atelier se déroulera de la manière suivante :
– 3 h de travail à la bibliothèque des Cerclades à Cergy le samedi 31 mai (14h-17h) avec les lecteurs et lectrices amateurs : échauffement vocal et corporel, exercices pour le groupe, première mise en voix des lettres, – 3h de travail à Cergy le 14 juin (horaires à préciser) avec les mêmes : reprise du travail de mise en voix avec la possibilité d’une mise en espace en vue de la restitution publique du 20 juin. – 20 mn de restitution en lecture publique à la Bibliothèque Nationale de France le 20 juin (horaires à préciser).
Un article de Céline Pardo sur la pièce qu’Henri Pichette destinait à Gérard Philipe, écrite à partir de 1945 et créée en 1947 au Théâtre des Noctambules.
« L’émotion du poème incarné : les lectures à une voix des Épiphanies par Henri Pichette », Itinéraires [En ligne], 2022-1 | 2022
« Quelles que soient ses modalités de publication (théâtre, livre ou lecture à voix haute par son auteur), le texte des Épiphanies constitue un étonnant spectacle visuel et sonore dans lequel la transmission directe d’affects plus ou moins violents prime sur la compréhension intellectuelle du poème. À partir de témoignages de spectateurs ainsi que d’archives sonores et visuelles, cet article interroge la spécificité des émotions littéraires en jeu dans les lectures qu’en donne Henri Pichette à partir de 1965. Le texte ainsi mis en voix et en corps par son auteur apparaît comme une forme extrême de publication poétique, laquelle concorde avec l’idée de la poésie selon Pichette comme participation nerveuse à un grand corps commun : il s’agit moins pour le poète-lecteur d’interpréter son texte ou même d’exécuter une performance artistique que d’en faire sourdre physiquement, par un art de la diction et de la gestuelle empruntant aux théories d’Artaud comme à l’ingénuité généreuse de Gérard Philipe, la pure charge émotionnelle. »
Bruno Gruel, Amarie Petitjean et Alain Platier sur le stand de l’association, le 21 septembre 2024.
L’association était présente, samedi 21/09/24, à la journée du patrimoine, avant une longue fermeture du parc, prévue pour la poursuite des travaux. Le stand a reçu notamment la visite du maire, Jean-Paul Jeandon, et de l’adjointe à la Culture et au Patrimoine, Malika Yebdri.
La mairie de Cergy a organisé samedi 24 avril une visite du chantier de rénovation de la Maison à destination des donateurs. Malika Yebdri, première adjointe en charge de la culture et du patrimoine, en présence du maire de Cergy, a accueilli les donateurs et les représentants de l’association et précisé les étapes des travaux. Elle a rappelé toute l’importance pour l’avancée des travaux de poursuivre le recueil de dons.
La visite a permis de détailler les modifications envisagées, rendues nécessaires par la dégradation de certains éléments du bâti et de l’aménagement intérieur. L’escalier sera enlevé, le crépi modifié, mais la cheminée reste un élément important à mettre en valeur, comme la mezzanine du premier étage ou les belles poutres de la charpente.
La voix de Gérard Philipe a ensuite résonné dans le parc, pour introduire la présentation par Violaine Houdart-Merot et AMarie Petitjean de l’ouvrage « Gérard Philipe : le devenir d’un mythe », à peine sorti des presses. Des exemplaires ont été offerts par la mairie aux donateurs.
Camille Beaujeault, « Genèse d’une œuvre : Les Aventures de Till l’Espiègle ou l’épopée « im »populaire de Gérard Philipe », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 73 | 2014, mis en ligne le 01 septembre 2017.
A l’heure de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian (le 21 février 2024), les lecteurs de la dernière lettre se succèdent avec bonheur sur les plateaux. Rappelons-nous que Gérard Philipe fut un des premiers à la lire publiquement. Il faisait preuve ainsi de sa sympathie communiste et d’un engagement humaniste qui ne l’a pas quitté jusqu’à sa propre disparition, au même âge, à 15 ans d’intervalle.
Où et quand l’a-t-il lue ?
Gérard Streiff signale que la lettre est « rendue publique après la guerre par Emmanuel d’Astier de la Vigerie qui la publie dans Libération. Elle sera lue par Madeleine Renaud puis par Gérard Philipe en 1953 » (Missak et Mélinée Manouchian. Un couple en résistance, préface de Didier Daeninckx, Paris, L’Archipel, 2024, p. 153). Notons que les Strophes pour se souvenir d’Aragon datent seulement de 1955. Aragon avait été sollicité longuement par les survivants des FTP-MOI avant d’accepter de rendre ce vibrant hommage (cf. la correspondance avec Raymond et Claude Lévy en 1951, signalée dans : Georges Kantin, Gilles Manceron, Les Échos de la mémoire : Tabous et enseignements de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Le Monde-éditions, 1991).
Il est possible de penser que la lecture faite par Gérard Philipe a été organisée par le PCF, comme il était d’usage à la salle de la Mutualité. Mais l’enquête reste à faire, la reconnaissance par le parti communiste ayant tardé, les lettres d’aucun des « vingt et trois » ne figurant notamment dans l’anthologie des « communistes fusillés » publiée à Moscou en 1951 (selon Daniel Bougnoux. Cf. Le vocabulaire d’Aragon, Paris, Ellipse, 2002).
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