Visite d’expositions à la Maison Jean Vilar à Avignon

Le 15 novembre 2022, une délégation s’est rendue à la Maison Jean Vilar à Avignon, partenaire de l’AMAGP.


Trois expositions en cours rendent hommage à Gérard Philipe :

  • « Ce soir, oui tous les soirs Notes de service, TNP 1951-1963 » : cette exposition centrée sur les petites fiches cartonnées que Jean Vilar épinglait sur le tableau de service de sa troupe donne un aperçu des coulisses du TNP durant sa période mythique. Gérard Philipe y apparaît par moments, en compagnon fidèle et acteur incontournable. Les remarques du directeur de troupe sont vigilantes et exigeantes : « Le ton dégagé n’est pas de mise ici », « il suffira que les violences soient plus violentes, que les sentiments amoureux soient plus éprouvés encore », mais aussi « ne craignez pas les rires de la salle » et encore « je suis d’accord avec Gérard Philipe ». La sélection fait entendre le ton gentiment grondeur d’un chef de troupe paternel et attentif à tout : les accessoires mal rangés, la peinture à refaire dans les loges, les notes de frais, la visite médicale… Les notes de service sont exposées dans des vitrines verticales, au milieu de grandes caisses de costumes et de panneaux jouant du centon de morceaux choisis. L’ensemble donne à entendre l’ambiance joyeuse et étonnament vivante d’une troupe au travail, au service d’un public dont Jean Vilar s’astreint à recueillir les avis écrits à la fin de chaque représentation.
  • « Côté jardin Jean Vilar et Avignon » : il s’agit côtel de Crochans ette fois de grands panneaux photographiques exposés en extérieur, dans le Jardin des Doms, au dessus du Palais des papes. La vie des premières années du Festival d’Avignon y est retracée en mariant le passé au présent d’un lieu de promenade très fréquenté par les Avignonnais, sur les hauteurs du Rhône. Les photographies d’Agnès Varda et de Maurice Costa, un artiste local, sont présentées avec beaucoup de malice et de savoir-faire dans des endroits choisis : un couple d’amoureux au fond d’un bosquet, un portrait hiératique près d’une statue de plâtre, une scène de pétanque au bout d’un sentier. Gérard Philipe y est présent au milieu de la jeune troupe, joyeuse et dynamique dans la chaleur des étés provençaux. La photo fameuse de Gérard allongé sur les planches, la tête posée sur les genoux d’Anne, se découvre soudain derrière un grand pin centenaire. Capture d’un moment d’intimité palpitant et sensible. On aime à penser que le couple complice se repose à jamais sous le ciel d’Avignon.
  • « Infiniment – Maria Casarès, Gérard Philipe-une évocation » : c’est l’exposition phare du centenaire Gérard Philipe à Avignon, concoctée avec un grand savoir-faire par Jean-Pierre Moulères. Les destins parallèles de Maria Casarès et de Gérard Philipe, qui auraient tous deux eu 100 ans cette année, sont racontés en mots et en images dans la pénombre des salles et couloirs voûtés de l’hôtel de Crochans qui accueille depuis 1979 l’association de la Maison Jean Vilar. Les deux trajets nous racontent des origines bien différentes et des parcours marqués par des choix très personnels, pour une même passion une vie de théâtre et de cinéma dans le contexte artistique des années 1950, et desc

Les impressions des membres de l’association

Gérard Philipe vu par Jérôme Lucchini

Gérard Philipe est un acteur de théâtre et de cinéma au parcours flamboyant et pourtant sans ostentation. 

Vedette, puis star mondiale, adulé, fêté, très médiatisé, il va rejoindre le TNP, son ascèse, y entraîner le public populaire de ses films, sans y réclamer une part plus grande que ses camarades, avec la même droiture et la même générosité qui irrigue son intégrité éthique, politique et artistique.

Les événements du monde, que sa personnalité et son talent rencontrent comme jamais, ce qu’ils ont mis dans le cœur de sa génération, ouvrent pour lui les aspirations de ses pairs, de ses concitoyens, le cœur des femmes et des hommes en quête de sentiments vrais, positifs, constructifs, humains. 

Dans ses interviews, sa fille, Anne-Marie Philipe, décrit à juste raison cette rencontre entre son père et le public comme ce rare alignement de planètes trop tôt éclipsé par la nuit. 

Son engagement, son allant, son souffle précipitent la cristallisation exceptionnelle d’une forme de poésie, de profondeur, de fragilité, d’énergie, comme de spiritualité joyeuse, qui marque une époque mais aussi les arts que sont le cinéma et le théâtre.  Il y incarnera, tout autant, un nouvel idéal masculin qu’un humanisme simple.

Il y a un avant et un après Gérard Philipe, en particulier dans le jeu et l’interprétation. C’est aussi vrai à mon sens que dans la rencontre de Jean Paul Belmondo avec la Nouvelle Vague. 

Gérard Philipe, l’homme, sa filmographie, témoignent, en plus, de ce qu’il portait sur le théâtre aux côtés de Jean Vilar, de ce que l’écran a modifié de la perception du spectacle et du monde. C’est énorme, mais il le fera tout simplement, j’allais dire discrètement, disons : avec une rare élégance.

Pour citer cet article : Jérôme Lucchini, « Gérard Philipe », site de l’Association de la Maison d’Anne et Gérard Philipe, [mis en ligne le 26 janvier 2022] : https://maisonanneetgerardphilipe.fr/category/nous-contemporains/.